Jocaste aux Enfers (4)

Par HEDWIGE MARIE ROUILLE D ORFEUIL, publié le mardi 11 juin 2024 16:58 - Mis à jour le mardi 11 juin 2024 17:24
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Récit de Julie

Lorsque j'expirai mon dernier souffle, je fus plongée dans un abîme obscur et glacé. Mes yeux s'ouvrirent sur un monde inconnu et lugubre, où les âmes des défunts erraient sans but précis. C'était là le commencement de mon voyage dans les Enfers. Je me tenais devant une porte colossale, gardée par le redoutable Cerbère. Ses trois têtes grondaient de façon menaçantes, mais un charme étarnge m'empêchait de céder à la terreur.

Je m'approchai avec précaution et murmurai :

Jocaste : Noble Cerbère, je suis Jocaste, autrefois reine de Thèbes. Permets-moi de pénétrer dans royaume funeste.

Ses yeux flamboyants scrutèrent mon âme, et après un moment d'hésitation, il se détourna, me laissant passer.  En avançant, je me retrouvai sur les rives du Styx où l'ombre de Charon attendait, enveloppé dans un manteau de ténèbres

Charon : Voyageuse, as-tu la pièce pour ton passage ? demanda-t-il d'une voix caverneuse.

Je plongeai la main dans ma poche et en sortit une obole et la lui tendis

Jocaste : Tenez, voici l'obole pour vous payer, Charon.

Il hocha la tête et me fit signe de monter dans sa barque. Le trajet sur les eaux du Styx fut silencieux et oppressant. Les âmes en peine se tordaient et gémissaient, tentant désespérément d'atteindre la rive, mais Charon les ignorait impitoyablement.

Nous atteignîmes enfin l'autre rive, où je fus accueillie par les murmures incessants des âmes damnées. Devant moi se dressait le juge Minos, qui tenait en main le livre des crimes.

Minos : Qui ose troubler le silence des morts ? lança-t-il avec une sévérité glaciale.

Je m'avançai et répondis :

Jocaste : Je suis Jocaste, venue recevoir mon jugement et savoir si je pourrais trouver la paix dans ce royaume des ténèbres.

Minos feuilleta son livre et s'arrêta sur une page.

Minos : Ton destin est scellé, Jocaste. Tu as commis des actes que les dieux eux-mêmes trouvent abominables. Tu ne trouveras jamais la paix.

Il fit un geste et soudain, une force invisible me poussa vers l'un des sentiers sombres des Enfers.

Je fus emportée jusqu'au tribunal des Erynies, ces déesses vengeresses  aux cheveux de serpents. Elles m'attendaient avec une expression de cruauté sur leurs visages.

Mégère : Jocaste, sais-tu pourquoi tu es ici avec nous ?

Je baissai les yeux, honteuse.

Jocaste : Oui, je le sais. J'ai ignoré les avertissements des dieux et commis des actes impardonnables.

Les Erynies éclatèrent de rire.

Tisiphone : ta punition sera éternelle. Tu erreras dans les Champs d'Asphodèles en proie aux remords et à la douleur sans jamais en sortir.

Sans autre forme de procès, je fus emportée vers ces champs mornes, où les âmes des indifférents et des oubliés se rassemblaient. Leur plainte sourde et constante remplissait l'air d'une mélancolie désespérante. C'est là que je rencontrai l'ombre de Sisyphe, condamné à rouler sans fin son rocher sur une colline.

Sisyphe : Jocaste, dit-il avec amertume, notre sort est similaire. Nous payons pour nos fautes, éternellement liés à nos souffrances.

Je m'assis près de lui, observant son travail futile.

Jocaste : Sisyphe, y a-t-il donc jamais une fin à cette douleur ?

Il me regarda, le visage ravagé par des siècles de labeur

Sisyphe : Il n'y a ni fin, ni répit. Ici, le temps est un cercle et nous en sommes ses prisonniers.

Je pris ma tête entre mes mains, essayant de savoir quel sort horrible j'allais bien recevoir. Ainsi, dans ces champs tristes et désolés, je passai mes jours sans fin, hantée par le souvenir de mes erreurs et la douleur des âmes qui m'entouraient. Je savais pertinemment que je ne trouverais jamais la paix car les Enfers étaient un lieu de pénitence éternelle, où chaque moment était une épreuve de plus pour les âmes tourmentées.

 

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