Un lycée ouvert sur les arts

Poème du jour...

Par LAURENCE CURCIO, publié le samedi 20 avril 2013 16:26 - Mis à jour le samedi 20 avril 2013 16:26

Chaque jour, au self, vous pouvez aussi choisir un poème à déguster....

(sélection Melle Rivals)

Vendredi 19 avril

Je rêve toujours


Et dormant ou veillant, moi je rêve toujours. Je dors. Mon esprit veille et poursuit son vol infat. Tantôt il va fouler d’un pied fantastique l’herbe et les fleurs... tantôt il gravit la montagne, ou il traverse une forêt sombre et frémit de terreur en en mesurant la longue obscurité et s’inquiète de n’apercevoir sur le sable les traces d’aucun voyageur... tout à coup, emporté par un torrent écumeux, il roule avec lui de précipice en précipice au milieu des rochers; de là il est jeté dans une mer tumultueuse, il nage, il lutte contre ses vagues... des monstres, les requins dévorants et les vastes baleines, accourent autour de lui. Pour les fuir, il agite ses bras et ses pieds avec plus de force. Au milieu de ce travail, je me réveille trempé de sueurs; et mon coeur palpite encore du long effroi de ces monstres que j’ai vus en songe. Je dors; mais mon coeur veille, il est toujours à toi. Je te tiens, je sens ton sein, ta bouche, ta joue sous mes baisers..., ta peau voluptueuse... sous ma main chatouilleuse... mais bientôt des transports ennemis de la paix du sommeil me réveillent en sursaut et je trouve ma bouche collée sur l’oreiller que je presse dans mes bras. Car mes bras, doucement abusés par le songe, pressaient l’oreiller en croyant te presser toi-même.

 

Je dors, mais mon coeur veille; il est toujours à toi.
Un songe aux ailes d’or te descend près de moi.
Ton coeur bat sur le mien. Sous ma main chatouilleuse
tressaille et s’arrondit ta peau voluptueuse.
Des transports ennemis de la paix du sommeil
m’agitent tout à coup en un soudain réveil;
et seul, je trouve alors que ma bouche enflammée
crut, baisant l’oreiller, baiser ta bouche aimée;
et que mes bras, en songe allant te caresser,
ne pressaient que la plume en croyant te presser.
Et dormant ou veillant, moi je rêve toujours.

 

André Chénier

Mercredi 17 avril

Coquelicots


 

Ô ! Enfant fragile

Feuilles vagabondes

Pétales errantes

Entre plis et replis

De nos rêves

De nos fantasmes

De nos égoïsmes

Ô ! Enfant

Espoirs et rêves

Espoirs et vies

Ô ! Enfant

Et si tu façonnes

Le monde à ta manière

Tu nous engendres

Tu nous crées

Nos serons ta sève

Nous serons ton argile

Et ta poterie

Ô ! Enfant

Et si tu t'enfonces

Au giron de Dieu

Pour lui souffler

Le chaud et le froid

Pour lui apprendre

A tresser

Les cheveux d'une étoile

Et à offrir

La lumière à une déesse

Et lui ôter délicatement le voile.


 

Zineb Laouedj

Lundi 15 avril

Aube


 

J'ai embrassé l'aube d'été.

Rien ne bougeait encore au front des palais. L'eau était morte. Les camps d'ombres ne quittaient pas la route

du bois. J'ai marché, réveillant les haleines vives et tièdes, et les pierreries regardèrent, et les ailes

se levèrent sans bruit.
 

La première entreprise fut, dans le sentier déjà empli de frais et blêmes éclats, une fleur qui me dit son nom.

Je ris au wasserfall blond qui s'échevela à travers les sapins : à la cime argentée je reconnus la déesse.
 

Alors je levai un à un les voiles. Dans l'allée, en agitant les bras. Par la plaine, où je l'ai dénoncée au coq.

A la grand'ville elle fuyait parmi les clochers et les dômes, et courant comme un mendiant sur les quais de marbre,

je la chassais.
 

En haut de la route, près d'un bois de lauriers, je l'ai entourée avec ses voiles amassés, et j'ai senti un peu

son immense corps. L'aube et l'enfant tombèrent au bas du bois.
 

Au réveil il était midi.

Arthur Rimbaud

 

 

Vendredi 12 avril

 Un rêve

En des visions de la sombre nuit, j’ai bien rêvé de joie défunte, — mais voici qu’un rêve, tout éveillé, de joie et de lumière m’a laissé le cœur brisé.
Ah ! qu’est-ce qui n’est pas un rêve le jour, pour celui dont les yeux portent sur les choses d’alentour un éclat retourné au passé ?
Ce rêve béni, ce rêve béni, pendant que le monde entier grondait, m’a réjoui comme un rayon cher guidant un esprit solitaire.
Oui, quoique cette lumière, dans l’orage et la nuit, tremblât comme de loin ; que pouvait-il y avoir, brillant avec plus de pureté, sous l’astre du jour de Vérité !
Les poèmes d’Edgar Poe, traduits par Stéphane Mallarmé
A dream
In visions of the dark night
I have dreamed of joy departed—
But a waking dream of life and light
Hath left me broken-hearted.
Ah! what is not a dream by day
To him whose eyes are cast
On things around him with a ray
Turned back upon the past?
That holy dream—that holy dream,
While all the world were chiding,
Hath cheered me as a lovely beam
A lonely spirit guiding.
What though that light, thro' storm and night,
So trembled from afar—
What could there be more purely bright
In Truth's day-star?

Jeudi 11 avril

Imaginons
 

Le temps que met l’eau à couler de ta main

Le temps que met le coq à crier le soleil

Le temps que l’araignée dévore un peu la mouche

Le temps que la rafale arrache quelques tentes

Le temps de ramener près de moi tes genoux

Le temps pour nos regards de se dire d’amour

Imaginons ce qu’on fera

de tout ce temps.


 Eugène Guillevic

 

Mercredi 10 avril

Rêvé pour l'hiver -

L'hiver, nous irons dans un petit wagon rose
Avec des coussins bleus.
Nous serons bien. Un nid de baisers fous repose
Dans chaque coin moelleux.

Tu fermeras l'oeil, pour ne point voir, par la glace,
Grimacer les ombres des soirs,
Ces monstruosités hargneuses, populace
De démons noirs et de loups noirs.

Puis tu te sentiras la joue égratignée...
Un petit baiser, comme une folle araignée,
Te courra par le cou...

Et tu me diras : "Cherche !", en inclinant la tête,
- Et nous prendrons du temps à trouver cette bête
- Qui voyage beaucoup...

 

Arthur Rimbaud

 

9 avril

Mon rêve familier

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.

Car elle me comprend, et mon coeur, transparent
Pour elle seule, hélas ! cesse d'être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.

Est-elle brune, blonde ou rousse ? - Je l'ignore.
Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.
 
Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.

Paul Verlaine

 

 

 

 

 L'étendoir des songes
Comme on étend le linge

qui sèche au vent et au soleil

on suspend des poèmes

qui parlent de rêve, de rêve, de rêve
 

 

Ils ont été écrits

par vous, par d'autres,

en classe, ensemble,

ou chacun dans un coin


 


S'il reste un peu de place

sur ces lignes de rêves

vous pourrez accrocher

vous aussi

vos songes et vos poèmes

...

 

EL ESTENDEDERO DE LOS SUEÑOS


 

Como se tiende la ropa

Que seca al sol y al viento

Colgamos poemas

Que hablan de sueños, de sueños, de sueños


 

Son escritos

Por vosotros, para otros

En clase, juntos

O cada uno en su rincón


 

Si queda un lugarcito

Entre esas líneas de sueños

Podréis colgar

Vosotros también

Vuestros sueños y poemas


 

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