Un lycée ouvert sur les arts

Exposition Alain Josseau

Par admin bossuet, publié le samedi 20 avril 2013 19:50 - Mis à jour le samedi 20 avril 2013 19:50

Du 11 décembre au 8 février 2013

tous les jours de 9h à 18h (sauf mercredi de 9h à 12h)

Venez découvrir l'exposition

"3 mn Scénario: guerre+Inv. Aj 001/100"

Alain Josseau

"3 mn Scénario: guerre"

"Les technologies de l'image en modifiant son statut, permettent de ne plus la penser comme simple simulation. La simulation change de sens: elle ne se réduit plus à une supercherie visuelle. Elle se substitue au réel. Alors que l'image était toujours postérieure au réel qu'elle figurait, voilà qu'elle le précède. Désormais, l'image voit son statut modifié, affirmé, positivé. L'image permet désormais de comprendre. Elle est une appropriation didactique du réel (...).
C'est tout le sens du travail d'Alain Josseau. Sa connaissance des nouvelles technologies de la création, doublée d'un travail permanent sur le rapport entre cinéma et esthétique à l'ère des effets numériques, se constitue en œuvre fractale. Les lieux de l'image traduisent ses multiples valeurs: il y a une esthétique, la guerre, thème de prédilection de l'artiste, comme il y a une mise en scène du conflit filmé. (...)

Seize caméras filment dix maquettes figurant un lieu de guerre. Le théâtre des opérations est passé au crible de la caméra qui filme la maquette, film lui même retransmis via un téléviseur pour être vidéo projeté. Les maquettes proviennent d'images Google. Ce sont de véritables photos issues d'internet, mais ici elles sont reconstruites. La simulation est une construction par l'œil de la caméra, comme par l'écran du téléviseur. L'image est sanctifiée par une dégradation volontaire. Alain Josseau salit les images. Pourquoi? Parce que dit-il: «Plus c'est sale, plus c'est vrai». Toute image est en substance, image de guerre, comme si la guerre et ses images étaient les substrats d'une dégradation. (...)
 

"Inv. Aj 001/100"

Un rappel historique s’impose ici. Le 20 mars 1939, le régime Nazi brûle 5000 œuvres d’artistes dits dégénérés, et dès l’été 39 procède à la spoliation du patrimoine des pays vaincus. Hitler rêve de créer en Autriche, à Linz – sa ville natale, un gigantesque musée témoin de sa grandeur et de celle de l’Allemagne. Il en dessine lui-même les plans, aidé très ponctuellement de Goering. Dès 1938 un galeriste de Dresde, Hans Posse, nommé responsable du projet, fait établir des listes de chef d’œuvres à voler dans tous les musées d’Europe, et ce jusque dans les châteaux de la famille royale britannique. Hitler veut faire du chef d’œuvre de Jan Van Eyck, L’Adoration de l’Agneau Mystique, la pièce maîtresse du Musée de Linz. L’épopée de ce tableau est connue. Transporté en hâte devant l’avancée nazi, pour être placée sous la protection du Vatican, puis déplacée, dès l’entrée en guerre de l’Italie, il ne cesse d’être transféré de champ de bataille en champ de bataille, pour se retrouver à Pau où il sera remis aux Allemands par le gouvernement de Vichy à l’été 1942. A ce jour, l’Agneau Mystique a réintégré son église d’origine, Saint Bavon à Gand, mais l’œuvre demeure amputée de l’un de ces dix panneaux dérobé dans les années 20. Des peintures de Léonard de Vinci, de Raphaël, de Rembrandt, de Bruegel et bien d’autres seront accumulées dans le "Führervorbehalt" (réserve personnelle du Führer). En 1940, l'Einsatzstab Reichsleiters Rosenberg (E.R.R.), est promu à la tête du service officiel des confiscations des bien juifs et francs-maçons. Alfred Rosenberg est autorisé à transférer des biens culturels en Allemagne. Le 21 avril 1943, Martin Bormann, secrétaire particulier du Führer, dessaisi le E.R.R., désormais cantonnée au seul catalogage des œuvres, au profit de la Mission spéciale Linz - Sonderauftrag Linz. Si le projet n’a jamais abouti, la liste des pièces amassées, la Linzersammlung est rendue publique et mise en ligne par le Musée de l’Histoire allemande (Deutsches Historische Museum) et en France sur le site des Musées Nationaux Récupérés.

Alain Josseau ici réalise 100 copies, en conservant à l’Agneau Mystique sa place centrale. L’archétype est ici géopolitique, historique et esthétique. Il ne s’agit pas de jouer avec la représentation, il s’agit de jouer avec la perte des images. Il faut le redire la perte de ces tableaux, constitue une perte d’images. Cette perte ne peut avoir de sens que réinvestie par la conscience collective et son entropie. L’image de la guerre, l’image sale et donc vraie, est ici l’image fantôme sanctifiée par la mémoire. Sans doute la nôtre. Mais si un artiste contemporain (selon la définition d’Agamben précitée) s’en empare, il en produit une fiction. Une fiction anhistorique décalée dont le caractère didactique n’est qu’une première acception.

 

Tiré de Une Analyse, Alain Josseau par Françoise Fauché-Gros

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